Des doutes, des découragements mais aussi d'immenses satisfactions...
Des médecins généralistes nous confient des histoires de patients en mésusage d'alcool. Un parcours
souvent
long et sinueux.
Une nouvelle histoire à découvrir chaque mois.
En partenariat avec les Laboratoires Lundbeck
Textes : DR PATRICIA MARTEL - Photographies : NICOLAS KRIEF
Dr Edmond Galipon
Il disait je bois, oui, très peu, comme tout le monde, deux verres de vin aux repas ; le dimanche, je peux boire un litre, mais pas plus. Seulement voilà, la vie était rude sur les chantiers et l’enfance avait été féroce, alors, pour se réchauffer le cœur, il fallait au moins ça. Au moins. Chaque jour, des litres et des litres de mauvais vin. Je lui disais : « T’as le droit de picoler, quatre, cinq litres par jour si tu veux ! Personne ne peut t’en empêcher. Tu n’as juste pas le droit de conduire bourré. » Ça le faisait marrer. C’était un homme attachant.
Le dimanche de la communion solennelle de sa fille, il se gara en face du café du village sans
arrêter le
moteur pour y siffler comme de coutume ses deux petits blancs. Quand il sortit, deux gendarmes
l’attendaient. Il s’était mis sur une ligne jaune. « Faudra pas que tu te gares ici la
prochaine
fois !
Tu es en plein virage. » C’était dit gentiment. Ils l’appelaient par son prénom. « Bande
de
cons ! Qu’il
leur répondit. Qu’est-ce que vous venez m’emmerder un dimanche ! En plus, le jour de la
communion de
ma
fille ! » Lui partit en vrille. Finit au poste, 3,50 g, 48 heures de cellule de
dégrisement. De
cette
journée solennelle, il fut le grand absent.
On le retrouva pendu dans son garage, quelques jours plus tard. La tristesse avait pesé sur le
village.
Un garçon si sympathique, c’était quand même dommage. Ceux qui l’avaient vu avaient raconté : « Sûr
que
c’était la communion qui le stressait, d’habitude, jamais il ne haussait la voix comme ça. »
Sa
femme
était venue me trouver : « Docteur, on a fait ce qu’on a pu. Il n’a jamais rien voulu
entendre. »
Entendre quoi ? Deux-trois sermons auxquels moi-même je ne croyais pas ? À dire vrai, de solution à
l’alcool, à l’époque, je n’en connaissais pas. Il disait non… À quoi bon l’embêter, je pensais. À
quoi
bon ?
« Il disait non...
À quoi bon l'embêter, je pensais »